Comme la plupart des maladies chroniques, le lipoedème implique des aspects psychologiques particuliers, qui vont être vécus différemment et avec des intensités variables. Ils vont nécessiter ou non une prise en charge thérapeutique, et ce avant et après le diagnostic.
Avant le diagnostic
Face à un corps dont les formes et le volume ne correspondent pas aux normes standards de beauté, de nombreuses patientes se sentent mal dans leur corps, en sus des autres symptômes du lipoedème. Par ailleurs, nombre de patientes ont vu leur symptômes niés ou minimisés au cours des années par les professionnels de la santé et/ou leurs proches, ce qui peut affecter significativement la confiance dans son propre jugement, voire son propre vécu.
Dans une société où le surpoids est faussement mais fréquemment associé à des défauts de caractère comme la paresse ou l’absence de volonté, de nombreuses patientes chez qui le lipoedème a entraîné un surpoids ont eu à subir ces préjugés, y compris de la part du corps médical. Ils ont souvent été renforcés par le fait que les efforts pour perdre du poids se sont révélés incompréhensiblement sans succès, et que les patientes n’ont pas été crues par leurs médecins (les accusant de trop manger, de ne pas suivre leur régime, de mentir sur leur alimentation, etc.).
Même en l’absence de surpoids, les déformations du corps engendrées par la maladie peuvent susciter une souffrance psychologique significative. Cette souffrance n’est pas à comprendre comme de la vanité ou de la superficialité (ou autre trait de personnalité) mais à remettre dans un contexte social où l’apparence du corps est considérée comme maîtrisable et en rapport direct avec certains traits de caractère (volonté, force de caractère, ambition, etc.).
Le sentiment que le corps échappe à tout contrôle, et l’incompréhension de ce qui l’affecte (avant le diagnostic), sont également bien souvent très difficiles à vivre.
Ainsi, une grande partie des patientes sont affectées au cours de leur vie par des sentiments de honte et de culpabilité, ainsi qu’une mauvaise estime de soi, et un manque de confiance dans son propre jugement. Les patientes atteintes de lipoedème sont à risque accru de dépression.
Après le diagnostic
Après le diagnostic, les patientes ressentent fréquemment de la tristesse, de l’anxiété, de la peur pour l’avenir, et bien souvent un sentiment d’isolement. Ce sont des émotions normales et légitimes face au diagnostic d’une maladie chronique.
De nombreuses patientes ressentent également de la colère, à la fois face à l’injustice de la maladie mais aussi envers le corps médical, qui souvent n’a pas su reconnaître la souffrance pendant de longues périodes, ni correctement diagnostiquer la maladie.
A l’inverse, certaines sont soulagées de comprendre enfin la cause de leurs symptômes, et de pouvoir prendre les mesures adéquates pour améliorer leur état de santé. Le diagnostic apporte également fréquemment une validation de la souffrance vécue par les patientes, et des observations faites sur leur propre corps, qui souvent n’ont pas été reconnues par le corps médical, voire par leur entourage, pendant longtemps.
Un mélange d’émotions parfois conflictuelles est ainsi à attendre après le diagnostic, et le processus d’assimilation du diagnostic à sa propre identité peut être un processus parfois long et relativement douloureux, mais aussi libérateur et émancipateur.
Aspects spécifiques à l’opération
L’opération du lipoedème, en dehors des rares complications graves et mauvais résultats, est généralement vécue de manière positive par une majorité des patientes. Néanmoins, il s’agit d’une intervention lourde sur les plans physiologiques comme psychologiques, et des émotions conflictuelles suite à l’opération sont normales.
Suite à l’opération, le corps et la silhouette se transforment, ce qui nécessite un temps d’adaptation et peut susciter des émotions diverses. Immédiatement après l’opération, il est fréquent de ressentir un doute quant au choix de l’opération, une crainte d’être déçue des résultats ou une déception effective lorsque les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. De très nombreuses patientes témoignent aussi du fait que s’approprier son corps transformé et s’identifier à sa nouvelle silhouette sont des processus qui prennent du temps, parfois accompagnés d’une culpabilité de ne pas ressentir uniquement des émotions positives au sortir de l’opération.
Les changements liés à l’opération entraînent aussi souvent une réévaluation du passé: on prend la mesure de la souffrance passée, de l’impact de la maladie sur soi, etc. Cela peut être difficile à vivre.
L’intensité de ces émotions va grandement varier d’une patiente à l’autre. Elles tendent généralement à se stabiliser plusieurs mois à une année après l’opération, d’après les témoignages de nombreuses patientes.
L’incompréhension de l’entourage, qui souvent estime l’opération comme uniquement esthétique ou trop risquée, peut ajouter significativement aux difficultés de ce moment.
Prise en charge thérapeutique et liens sociaux
Les émotions décrites ci-dessus sont normales, particulièrement compte tenu du fait que le diagnostic est fréquemment posé des années, voire souvent plusieurs décennies après l’apparition des premiers symptômes. Le diagnostic peut être parfois difficile à assimiler, et ce processus peut s’apparenter à celui d’un deuil. Si ces émotions deviennent intenses, obsédantes, ou tout simplement si la patiente en ressent le besoin, consulter un psychologue peut être extrêmement bénéfique.
Le soutien de l’entourage est aussi clef, aux moments du diagnostic et de l’opération en particulier. Le diagnostic est d’autant plus difficile à assimiler, et la prise en charge thérapeutique à mettre en place, si les proches mettent en doute le diagnostic ou minimisent l’impact de la maladie.
De même, échanger avec des patientes atteintes de la même maladie, et ayant traversé des expériences similaires, peut apporter un soutien et un réconfort très important. Pour échanger avec d’autres patientes, il est possible de rejoindre des associations ou des groupes informels de patientes qui organisent des événements ou gèrent des forums en ligne.
Il existe également des groupes de soutiens et d’échange d’informations sur les réseaux sociaux. Certains sont dédiés à ces sujets particulier (chirurgie, alimentation, vêtements, par exemple) et d’autres sont plus généraux. Il existe aussi des groupes destinés aux proches. Les groupes de soutien peuvent se révéler extrêmement précieux, autant sur le plan du soutien mutuel psychologique que sur l’échange d’information et le partage d’expérience. Cependant, certains groupes ont aussi une dynamique peu propice au soutien, et des informations fausses ou approximatives circulent.
Pour déterminer si un groupe répond à ses besoins, on peut se poser les questions suivantes:
- Est-il lié à une association, une fondation ou un autre organisme organisé et professionnel?
Cela qui peut indiquer (mais ne garantit pas) un bon niveau d’information et une certaine modération des contenus. - Quelles sont les règles du groupe, notamment sur le comportement et les échanges entre les membres, la confidentialité des informations échangées, un positionnement “officiel” sur certains sujets particuliers?
Certaines règles sont généralement nécessaires pour une dynamique saine du groupe: pas de bullying ou d’insultes, une politique de confidentialité (même si elle ne peut évidemment pas être enforcée sans la volonté des membres), l’intervention de modérateurs en cas de conflits, etc. - Le groupe est-il réservé aux patientes? Aux patientes et leurs proches? Le personnel médical est-il autorisé à suivre les conversations, voire à intervenir? Ou toute personne peut-elle rejoindre le groupe?
En règle générale, les patientes sont plus à l’aise pour échanger en toute franchise dans les groupes où seules les patientes sont admises. Lorsque des cliniques ou des médecins sont à l’origine de groupes, il faut être particulièrement attentif au fait que les contenus peuvent être modérés pour apparaître uniquement positifs sur ce médecin ou cette clinique. Il faut également se montrer méfiant lorsque certaines cliniques, médecins ou autre thérapeutes sont sans cesse mis en avant dans certains groupes, avec des résultats trop beaux pour être vrais. - L’information qui y circule semble-t-elle précise, nuancée, prudente? Des sources scientifiques sont-elles citées?
Comme dans tout domaine, les informations qui circulent peuvent être de qualité très variable. Il faut se méfier en particulier des solutions miracles, de toute vente de produits ou services, et des avis radicaux et non nuancés. - Quel est le ton général du groupe? Soutenant, encourageant, compatissant, optimiste, respectueux des opinions et expériences des autres? Les avis divergents sont-ils possibles? Comment les désaccords sont-ils gérés? Les admins du groupe interviennent-elles en cas de dérapage de la conversation?
- Le groupe est-il centré sur un sujet particulier qui vous intéresse?
- Il y a-t-il une dimension commerciale au groupe? Des produits y sont-ils vantés régulièrement, ou vendus?
Une brève sélection d’associations et de groupes de soutien se trouve sur la page Ressources et références.